Poemas

Jean Portante

(Luxemburgo, 1950). Su libro más reciente traducido al español es «Diario de un olvidador íntimo y otros poemas» (Mantis Editores, 2023).

A VECES HAY HUMO QUE ESCAPA Y QUEDA
suspendido sobre el jardín.

Fuego caería si supiera imitar a las nubes
gotas de fuego en verano justo antes de la tormenta
nieve de fuego en invierno
granizo ardiente a veces
en otoño o primavera.

Pero cuando es una nube que se escapa
el viento va a buscarla
y las sábanas más inmóviles que una estatua de sal
que un ojo distraído habría al volverse plantado ahí  
absorben toda la luz del día
como lo hace el papel de fotografía.

Un revelador surgido de un pensamiento
vertería todo esto en un baño alquímico.

El viento sale en busca de la nube
el humo queda suspendido encima del jardín
y las sábanas como fotógrafos universales
imitan lo que caería si
en el lugar del jardín se encontrara este otro jardín
que cuando las sabanas retomaban su camino
devolvía a la luz sus cristales y su sal. 


A VECES PERO NO ESTOY SEGURO 
el jardín del que hablo tomaba el camino más corto
para llegar a los secretos que no sabía callar.

Ostentaba entonces una sumisión particular
antes de agarrar una pala
y clavarla en el suelo.

Y cuando se ponía a revolver tierra y cielo
y las nubes como terrones desarmados
quedaban sepultadas por tanto ardor
o sobrevolaba todo esto un cuervo
que sabía mucho más que yo
yo me decía a veces pero no estoy seguro
que todo lo que podría recordar está regido
por el misterio del sepulcro.

Bajo la tierra revuelta los terrones de nubes
reanudan una antigua costumbre que remonta
a tiempos en que era necesario llorar
las lágrimas tomaban el camino más corto 
cuando una pala les daba vuelta
y se mezclaban con la tierra nublada.


A VECES DE LO POCO QUE QUEDA
el único contable es el sueño.

Cuenta los alientos que van de un silencio a otro
los vuelve a contar
los suma o los resta
los multiplica o divide
y los soplos así pasados por el tamiz de las operaciones
son menos erráticos que antes
y lloran lágrimas puras
y cuentan la distancia que se adueña 
del silencio que pisotean. 

Son ellos a partir de ahora los contables me digo
suman o restan
multiplican o dividen
pero el silencio así pasado por el tamiz de las operaciones
menos errático que antes no llora.

Es el contable de la distancia
y a veces de lo poco que queda.


A VECES EN EL HEMISFERIO SUR DEL JARDÍN
ahí donde envejece el almendro
se posa un polvo tan fino
que se diría azúcar o harina
de los días que pasan.

Tiene el gusto del norte el polvo
pero eso sucede en el hemisferio
sur del jardín. 

Se ve por el almendro que envejece
como se envejece en el sur.

A veces se aleja el almendro y el polvo
sin saber dónde posarse vuelve a ser este metal
que siempre ha sido o más bien la sombra
de metal o su nieve
que las altas chimeneas
ya no fabrican más a lo largo de los días.

Así trabajan los padres y de este lado
del jardín envejeciendo como manzanos.

 
A VECES CUANDO EL ESPEJO SE TORNA DEMASIADO SECRETO
al pie del manzano y que más arriba
el cuervo es un trapo negro
y cabalgan aun más alto
no lejos del espacio de la noche
uno que otro jinete que la oscuridad
no supo borrar
una mano alumbra contrafuegos en el jardín.

Las sombras que bailan sobre la superficie helada
toman la forma de cultivadores de rosas negras
o de uvas secas mientras que de la aldea
remontando la dulce pendiente un soldado
busca con sus ojos lo que la batalla le ha ahorrado.

Hay en sus ojos un porvenir a traicionar o
simplemente un tiempo a remontar
que de una guerra a otra
escondió en su pañuelo
los puntos cardinales de su derrota.

Un poco más allá sentados en la escalerita
de una casa todavía no repintada por la oscuridad
otros ojos apenas nacidos
desde hace mucho posados sobre su divisa
están listos para la concepción. 

Es acaso un amor que comienza
o una guerra que termina.

Versiones del francés de Susana Cella.

Parfois de la fumée s’échappe et demeure / suspendue au-dessus du jardin. // Du feu en tomberait si elle savait imiter les nuages / gouttes de feu en été juste avant l’orage / neige de feu en hiver / grêle ardente parfois / en automne ou au printemps. // Mais quand c’est un nuage qui s’échappe / le vent part à sa recherche / et les draps plus immobiles qu’une statue de sel / qu’un œil distrait en se retournant y aurait plantée / absorbent toute la lumière du jour / comme le fait le papier photographique. // Un développeur surgi d’une pensée / plongerait tout cela dans un bain alchimique. // Le vent part à la recherche du nuage / la fumée demeure suspendue au-dessus du jardin / et les draps comme des photographes universels / imitent ce qui en tomberait si / à la place du jardin se trouvait cet autre jardin / qui quand les draps reprenaient leur route / rendait à la lumière ses cristaux et son sel.

Parfois mais je n’en suis pas sûr / le jardin dont je parle prenait le chemin le plus court / pour parvenir aux secrets qu’il ne savait pas taire. // Il arborait alors une soumission particulière / avant d’empoigner une pelle / et de la planter dans le sol. // Et quand il se mettait à retourner terre et ciel / et que les nuages comme des mottes désarmées / étaient ensevelies par tant d’ardeur / ou qu’au-dessus de tout cela volait un corbeau / qui en savait plus long que moi / je me disais parfois mais je n’en suis pas sûr / que tout ce dont je pourrais me souvenir est régi / par le mystère de l’ensevelissement // Sous la terre retournée les mottes de nuages / renouent avec une ancienne coutume qui remonte / à des temps où quand il fallait pleurer / les larmes prenaient le chemin le plus court / quand une pelle les retournait / et qu’elles se mélangeaient à la terre ennuagée.

Parfois du peu de chose qui reste / le rêve est le seul comptable. // Il compte les haleines qui vont d’un silence à l’autre / les recompte parfois / les additionne ou soustrait / les multiplie ou divise / et les souffles ainsi passés au tamis des opérations / sont moins errants qu’avant / et pleurent des larmes pures / et comptent la distance qui s’est emparée / du silence qu’ils foulent. // Ce sont eux désormais les comptables me dis-je / ils additionnent ou soustraient / ils multiplient ou divisent / mais le silence ainsi passé au tamis des opérations / moins errant qu’avant ne pleure pas. // De la distance il est le comptable / et parfois du peu de chose qui reste.

Parfois dans l’hémisphère sud du jardin / là où vieillit l’amandier / se pose une poussière si fine / qu’on dirait du sucre ou la farine / des jours qui passent. // Elle a le goût du nord la poussière / mais cela se passe dans l’hémisphère / sud du jardin. // On le voit à l’amandier qui vieillit / comme on vieillit au sud. // Parfois il s’éloigne l’amandier et la poussière / ne sachant où se poser redevient ce métal / qu’elle a toujours été ou plutôt ombre / de métal ou sa neige / que de hautes cheminées / ne fabriquent plus à longueur de journée. // Ainsi travaillaient les pères et de ce côté-ci / du jardin ils vieillissaient comme des pommiers.

Parfois quand le miroir devient trop secret / au pied du pommier et qu’au-dessus / le corbeau est un drap noir / et chevauchent plus haut encore / non loin de l’espace de la nuit / l’un ou l’autre cavalier que l’obscurité / n’a pas su effacer / une main allume des contre-feux dans le jardin. // Les ombres qui dansent sur la surface glacée / prennent la forme de cultivateurs de roses noires / ou de raisins secs tandis que du village / remontant la douce pente un soldat / cherche des yeux ce que la bataille lui a épargné. // Il y a dans ses yeux un avenir à trahir ou / simplement un temps à remonter / qui d’une guerre à l’autre / a caché dans son mouchoir / les points cardinaux de sa défaite. // Un peu plus au-delà assis sur le perron / d’une maison pas encore repeinte par l’obscurité / d’autres yeux à peine nés / depuis longtemps posés sur son uniforme / sont déjà prêts pour la conception. // Est-ce un amour qui commence / ou une guerre qui finit.


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