I La Torre Luz / Chantal Bizzini

A partir de Nun, de Helmut Lachenmann
y con algunas frases de Nicolas Schoffer
—a propósito de su Torre Luz Cibernética

LA TORRE
… llegué a un punto de ruptura total con el pasado. Entonces creé el espacio-dinamismo, es decir, la utilización del espacio en tanto material de base exclusivo de mis estructuras. Enseguida, agregué al espacio la luz y sobre todo el tiempo. Así, me volví programador de esos tres materiales…

Movimiento intenso, azul,
centrifugadora, pero también océano,
gritos, una polea sube en apariencia,
vaporizada de inmediato;
¡esos vuelos! roces aéreos,
clímax,
se entra:
¿es una jungla?
¿un sotobosque?
Y sigue avanzando, saltos y roces, crujido
del mundo, encanto y despertar incesante de deseos.

¿Qué piensas tú
frente a la gota de agua
proyectada sobre la pantalla?
Ahí se juega la pelea sin fin
de un animal acuático devorando
a otro que todavía no
lo traga, ya está engullido
a medias por el primero,
cuerpos translúcidos,
pinzas y patas arrancadas, entrañas succionadas, aspiradas,
cabeza seccionada; ya no tiene su cola,
que aún él come, que arranca
de su pico cartilaginoso
la carne del otro.
Persecución, en este charco, de minúsculos combatientes,
para sobrevivir…
breves instantes, extensibles que se pierden en fanfarrias discordantes:
la humanidad frente al desorden amplificándose,
su progreso hacia el conocimiento
de su alrededor y de sí, en este mundo salvaje
con sus presentimientos y sus descubrimientos…

A unos pasos en la sombra, entra la noche
dentro del pensamiento, a pesar de tu resistencia, tu esfuerzo para hablar,
lentamente te rindes a la fascinación
de un oído sin interferencia.

Es el primer sonido de la mañana o el canto
de la primera estrella,
la lluvia fina moja apenas, pero suena;

un ala despeja la perspectiva que, de acero sobre azur,
rechina y se descarna.

En efecto, mi torre no es un objeto. Su armazón, concebido lo más ligero posible, no es más que un andamiaje destinado a soportar una idea. La idea es el rol primordial de la cibernética en el arte. En las sociedades vueltas masivas y cambiantes como la nuestra, no se puede concebir el arte bajo la forma de objetos individuales que se comercializan y sobre los cuales uno especula. El arte para todos debe reemplazar el arte para los privilegiados. Así, precisamente, los conceptos, aleatorios, permiten combinaciones infinitas, que pueden adaptarse a un medio social fluido, reflejarlo, y repercutir las características del conjunto en cada uno.
Sorpresa frente a lo desconocido, hay, a lo lejos,
trenes que parten —panorama descubierto—
y de pronto el relámpago, la nitidez del mal:
juicio y medida
de las cosas, apreciación de su desplazamiento.

Recuperación del impulso:
las imágenes, los significados se concatenan

tú entras en lo espantoso.
Uno va bajo las cúpulas
y los cuerpos danzan, recordando las torturas, siempre:
tú escuchas, en las habitaciones, los gritos, claramente
y los silbidos,

he aquí la larga fila de aquellos
a los que se llevan.

VERSIÓN DEL FRANCÉS DE SILVIA EUGENIA CASTILLERO

I
LA TOUR LUMIÈRE

D’après Nun, d’Helmut Lachenmann

et avec quelques phrases de Nicolas Schöffer
— à propos de sa Tour Lumière Cybernétique

LA TOUR
… je suis arrivé à un point de rupture totale avec le passé. J’ai alors créé le spatiodynamisme, c’est-à-dire l’utilisation de l’espace en tant que matériau de base exclusif de mes structures. Par la suite, j’ai ajouté à l’espace la lumière et surtout le temps. Ainsi, je suis devenu programmateur de ces trois matériaux…

Remuement intense, bleu, / centrifugeuses, mais aussi océan,
/ cris, une poulie monte un décor,
/ aussitôt vaporisé ;
/ ces envols ! frôlements aériens,
/ point d’orgue,
/ on entre :
/ est-ce une jungle ?
/ un sous-bois ?
/ et l’on s’avance encore, bonds et frottements, bruissement / du monde, ravissement et réveil incessant des désirs. // Que penses-tu
/ devant la goutte d’eau
/ projetée sur l’écran ?
/ S’y joue la mêlée sans fin
/ d’un animal aquatique dévorant
/ un autre qui ne l’a pas encore
/ avalé, est déjà englouti
/ à demi par le premier,
/ corps translucides,
/ pinces et pattes arrachées, entrailles sucées, aspirées, / tête sectionnée ; il n’a plus sa queue,
/ qu’il encore mange, qu’il arrache
/ de son bec cartilagineux
/ la chair de l’autre.
/ Poursuite, dans cette flaque, de combattants minuscules, / pour survivre… / instants brefs, / extensibles qui se muent en fanfares discordantes : / l’humanité face au désordre s’amplifiant,
/ son avancée vers la connaissance
/ d’alentour et de soi, dans ce monde ensauvagé / avec ses pressentiments et ses découvertes… // Des pas dans l’ombre, la nuit se fait
/ dans la pensée, malgré ta résistance, ton effort pour parler, / lentement tu te rends à la fascination
/ d’une écoute sans brouillage. // C’est le premier son du matin ou le chant / de la première étoile,
/ la pluie fine mouille à peine, mais sonne ; // une aile dégage la perspective qui, d’acier sur azur, / crisse et se dénude.

En effet, ma tour n’est pas un objet. Son armature, conçue aussi légère que possible, n’est qu’un échafaudage destiné à supporter une idée. L’idée, c’est le rôle primordial de la cybernétique en art. Dans des sociétés devenues massives et mouvantes comme les nôtres, on ne peut plus en effet concevoir l’art sous forme d’objets individuels qu’on commercialise et sur lesquels on spécule. L’art pour tous doit remplacer l’art pour les privilégiés. Or, précisément, les concepts, aléatoires, permettent des combinaisons à l’infini, qui peuvent s’adapter à un environnement social fluide, le refléter, et répercuter pour chacun les caractéristiques de l’ensemble.

Surprise devant l’inconnu, il y a, au loin,
/ des trains qui partent — panorama découvert — / et soudain l’éclair, la netteté du mal :
/ jugement et poids
/ des choses, appréciation de leur déplacement. // Reprise de l’élan :
/ les images, les significations s’enchaînent
/ …
/ tu entres dans l’effroyable.
/ On va sous les coupoles
/ et les corps dansent, se souvenant des tortures, toujours : / tu entends, dans les chambres, les cris, distinctement,
/ et des sifflements, // voici la longue file de ceux / qu’on emmène.

 

 

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