Exilio / Dory Manor

Ese mudo gong en el fondo del hombre
para Abraham Sutzkever, en el momento de su sepultura

Ahí estás desde hace tiempo
entre las palomas heridas
de tu futuro. Y tú, sin embargo,
desde hace horas, blando
¡seco en la muerte a ultranza!
Te levantas sobre los harapos
de los que claman venganza:
sobre tus extremidades. Con tu bastón,
casi cien años de convulsiones,
gobiernas al embrión
que eras hace un momento
en la matriz (¡ya blanco!)
de una madre bendita, tan querida
que al instante era tu madre.

Noventa y siete años de exilio
se abre una brecha por la que pasas:
del polvo al polvo.
En los refrigeradores de tus arterias
el ardor de tu sangre se rompió,
un vacío, violeta, desconocido
captura un desertor, y ahí
las primicias de tu fenecimiento.
De un extremo suspiro radiante,
que el campo de tu cuerpo
exprimió de tu vida,
de esas pocas horas, signo, aún.

Ese mudo gong en el fondo del hombre
funda el eco de venas agotadas:
el basalto de los fenecidos.
Y tu lava de antes de Sodoma
se levanta de entre los fósiles
y vierte en los cielos
el púrpura de los silenciosos,
el clamor de los que no supieron
en su propia sangre dar asilo
al imperio donde todo es azur:
reino del tiempo y del exilio.

Versión de Víctor Ortiz Partida, a partir de la versión
del hebreo al francés de Gilles Rozier

 

 

Exil
Ce gong muet au fond de l’homme
pour Avrom Sutzkever, à l’heure de son ensevelissement

Te voilà depuis quelques temps / parmi les colombes meurtries / de ton futur. Et toi pourtant, / depuis quelques heures, amolli / séché dans la mort à outrance ! / Tu te lèves sur les haillons / de ceux qui réclament vengeance : / sur tes membres. De ton bâton, / presque cent ans de convulsions, / tu gouvernes sur l’embryon / que tu étais juste à l’instant / dans la matrice (déjà blanc !) / d’une mère bénie, si chère / qui à l’instant était ta mère. // Quatre-vingt-dix-sept ans d’exil / s’ouvre une brèche d’où tu files : / de la poussière à la poussière. / Dans les frigos de tes artères / l’ardeur de ton sang est rompue, / un vide, violet, inconnu / capture un déserteur, et là / les prémices de ton trépas. / D’un extrême soupir ravi, / celui que le camp de ton corps / pressa de celui de ta vie, / de ces quelques heures, signe, encore. // Ce gong muet au fond de l’homme / fond l’écho de veines épuisées : / le basalte des trépassés. / Et ta lave d’avant Sodome / s’élève d’entre les fossiles / et déverse dans les cieux / le pourpre des silencieux, / la clameur de ceux qui ne surent / dans leur propre sang faire asile / à l’empire où tout est azur : / règne du temps et de l’exil.

 

 

Comparte este texto: